Mayotte est la première des îles de l'archipel des Comores à être colonisée par la france vers 1840, puis quatre ans plus tard c'est au tour de la Grande-Comore et enfin l'emprise s'étend aux îles de Mohéli et d'Anjouan, en même temps que l'abolition de l'esclavage, qui en réalité se poursuit officieusement car la france a besoin d'esclaves pour maintenir sa production de canne à sucre.
Parallèlement, de nombreux esclavagistes français, principalement issus des colonies voisines, s'y installent pour développer l'exploitation des ressources naturelles, l'industrie sucrière, facette méconnue de l'histoire de l'île, et la mise en place d'un système économique basé sur l'exploitation des populations locales.
Rappelons que les populations locales, c'est-à-dire celles débarquées directement du continent Africain, principalement via le Mozambique, par les négriers arabes commerçant avec l'Occident et l'Asie du Sud-Est, ont été contraintes de travailler dans des conditions très difficiles et déshumanisantes pour répondre aux besoins de l'Occident, et plus particulièrement de la métropole française.
Les plus anciens d'entre nous ont entendu parler d'une certaine « Compagnie sucrière Comorienne », dirigée d'une main de fer par un groupe d'armateurs français, qui a obtenu des concessions de plusieurs milliers d'hectares dans les vallées de Kaweni et de Dembeni pour fournir de la canne à sucre à l'industrie sucrière occidentale.
C'est encore le cas dans de nombreux pays Africains aujourd'hui. Par exemple, à l'heure où vous lisez ces lignes, en République démocratique du Congo, des enfants appelés « Creuseurs », sont exploités dans des mines de cobalt pour fournir des minerais à l'industrie technologique occidentale. Dans le même temps, les raids meurtriers du Rwanda voisin, instrumentalisés par ce même Occident qui veut garder la main sur cette production, s'intensifient contre ces populations.
Il est important de comprendre ce schéma très caractéristique de l'impérialisme occidental, qui consiste à monter les individus les uns contre les autres, car, comme on le voit avec le cas de Mayotte, l'histoire occidentale ne retient que les raids des pirates malgaches sur l'île, faits que nous ne nions pas, mais dont la mise en exergue systématique tente de dégager la France de toute responsabilité.
Avec ce parallèle à l'esprit, revenons au cœur de notre préoccupation, Mayotte, où l'impérialisme colonial français a eu un impact dévastateur sur la culture et l'identité des habitants de l'île: D'abord par l'imposition de la culture française comme nouvelle norme, par des politiques économiques qui ont conduit à la dépossession des terres appartenant aux populations locales, et par la destruction systématique des pratiques et traditions locales.
Cette dépossession culturelle a eu des conséquences durables sur l'île de Mayotte, administrée séparément du reste de l'archipel pendant la majeure partie de la période coloniale, et où les habitants ont été soumis à une politique d'assimilation forcée, qui visait à les transformer en citoyens français, volontairement coupés de leur propre histoire et de leur identité par ce qui a été justifié comme de « L'application de l'individualisme contemporain à l'indigène ».
Cet impérialisme colonial français entraînera une division artificielle de l'archipel des Comores, séparant Mayotte des trois autres îles, Anjouan, Mohéli et la Grande-Comore. La structure clanique originelle, formée d'un tissu d'affinités entre ces peuples frères, a cédé sous le poids de la manoeuvre coloniale qui s'est efforcée d'en rompre rapidement les liens. Cette division a été renforcée par la décision de la France de maintenir Mayotte sous sa juridiction en 1975, malgré le vote massif des Comoriens en faveur de l'indépendance.
En effet, après la Seconde Guerre mondiale, la france a été confrontée à un mouvement de décolonisation dans tous ses territoires d'outre-mer, dont l'archipel des Comores. Les habitants de l'archipel ont exprimé leur volonté d'indépendance lors d'une consultation sur l'autodétermination organisée en décembre 1974, mais la france a choisi d'ignorer cette expression démocratique pour Mayotte afin de maintenir sous sa juridiction cette position stratégique, au cœur du canal du Mozambique, capable d'accueillir avions et navires de guerre.
S'ensuivent des discriminations économiques et politiques, qui favorisent les intérêts de lobbies, comme celui de Georges Nahouda, né d'une mère originaire de Sainte-Marie, au large de Madagascar, et d'un père européen. Ce dernier, qui était un fervent partisan de la francisation de Mayotte, a utilisé son influence pour promouvoir cette politique auprès des autorités françaises. La départementalisation de Mayotte en 2011, qui a été contestée par les Comores et l'Union Africaine, a été largement perçue comme une violation des principes de l'intégrité territoriale et de la souveraineté nationale.
La compassion que nous éprouvons à l'égard de Mayotte, « victime de l'invasion Comorienne », contient une part de démagogie et d'hypocrisie. Car le problème majeur de cette île, bien avant celui de cette immigration meurtrière, rendue possible par l'ingérence Comorienne, est avant tout celui d'une « défaillance française » dans le domaine des politiques publiques. Mayotte, qui après avoir été longtemps régi par des modes de fonctionnement coloniaux, a progressivement évolué vers des modes dérogatoires, perpétuant un régime d'exception, instrumentalisant les clivages au sein des populations locales.
Aujourd'hui, l'Etat colonial français, qui a maintenu l'île dans une fausse illusion, n'est pas en mesure de répondre aux attentes réelles des populations françaises vivant dans ce département, pour garantir un développement économique mutualisé, pour l'égalité des droits avec la métropole et les autres dom, et pour l'amélioration des conditions de vie de ces populations. On comprend alors mieux le rôle joué par les discours sur l'l'invasion de masse Comorienne. Les responsables politiques locaux et nationaux sont ainsi déresponsabilisés. Désigner le Comorien comme bouc émissaire de tous les maux leur permet de détourner l'attention des problèmes économiques et sociaux de l'île, des carences de l'État social, des discriminations systémiques, etc.
Après deux siècles de présence française, le nombre de Mahorais quittant l'île reste beaucoup plus « massif » que le nombre d'immigrants arrivant sur l'île, alors que 85% des habitants de l'île vivent en dessous du seuil de pauvreté et ont un accès très limité aux services de base tels que l'éducation et la santé. La situation est bien sûr exacerbée par ces migrations internes, qui entraînent d'importants problèmes d'insécurité sur l'île, face à l'inaction d'une élite corrompue, tant Comorienne que Mahoraise, incapable de faire face à ses responsabilités.
Pour comprendre qui nous sommes, jeunes français de Mayotte, Comoriens et Africains, pour nous construire ensemble avec nos particularités et être acceptés par nos semblables, il est important de nous transmettre nos histoires respectives. Celles qui ne sont pas mentionnées dans les livres d'histoire et qui sont absentes de nos programmes scolaires.
Ces histoires héritées de nos grands-parents et à travers lesquelles nous savons que les habitants de cette région du monde sont nos frères et sœurs d'influence indo-arabe, locuteurs des langues Bantu, « Un ensemble de langues Africaines qui au cours de l'histoire ont été contraintes d'intégrer un lexique gréco-latin, dont les sources croisées sont attestées dans l'empire du milieu de l'Égypte pharaonique » et qui ont évolué dans un environnement où la culture musulmane est prédominante.
Une fois restaurés, nous devrons prendre nos responsabilités et travailler à réparer les dégâts causés par l'impérialisme colonial, mais aussi évoluer sur le point de reconnaître à Mayotte le droit d'être française, pour nous pencher réellement sur les leviers de croissance de nos sociétés, notamment en soutenant le développement économique et social de la jeunesse française de Mayotte, en permettant à nos frères et sœurs des îles d'Anjouan, de Grande-Comore et de Mohéli de se réapproprier leur histoire et leur identité, et en s'appuyant sur des dirigeants qui ont rompu avec la mafia corrompue au pouvoir dans nos États.⤷ La Rédaction, bwalimag